Friday, June 22, 2012

A Bahreïn, une lettre contre le silence

Par Laure StephanLe thermomètre frôle déjà les quarante degrés dans le petit royaume de Bahreïn. Les climatiseurs ronronnent. La lumière est éblouissante. Malgré l'air étouffant, les manifestations se poursuivent contre le régime en place, le pouvoir de la famille royale Al-Khalifa. Zeinab Al-Khawaja, emprisonnée depuis le 21 avril, entend-elle, depuis sa cellule, la clameur des opposants ? La jeune militante connaît bien la résolution de ses pairs qui réclament un système politique - et économique - plus égalitaire. En silence, sur une feuille de papier, elle vient de mêler sa voix à la leur, dans une lettre vibrante rédigée depuis son lieu de détention : "Ce que j'attends, ce n'est pas ma sortie de prison. (...) Ce que je veux et ce dont je rêve, c'est de liberté, et non ma libération. Je m'assoirai dans ma cellule, j'écouterai ses murs qui récitent les poésies d'un autre prisonnier politique (...), me rappelant que notre lutte pour la liberté doit continuer (...). J'admire mes frères et soeurs emprisonnés. Leur détermination et leur patience me donnent de l'espoir." Zeinab n'a pas 30 ans, mais elle a déjà subi de multiples interpellations et séjours en prison depuis le début de la révolte à Bahreïn, en février 2011. Participation à des manifestations illégales (le pouvoir n'autorise qu'au compte-gouttes les rassemblements publics). Incitation à la haine contre le régime. Agression d'une policière. Obstruction au trafic. De toutes ces charges, elle se réclame innocente. Dans sa récente lettre, elle prévient : "Je n'assisterai à aucun de mes procès." La justice, jeudi 24 mai, l'a reconnue coupable d'avoir pris part à des rassemblements illégaux et condamnée à un mois de prison. Elle l'a aussi condamnée, quelques jours plus tôt, à une amende de 200 dinars bahreïnis (environ 420 euros) pour insulte à un policier. Depuis des mois, Zeinab Al-Khawaja se bat pour la relaxe de son père, Abdel Hadi, militant historique des droits de l'homme et proche de l'opposition radicale bahreïnie. Condamné à la prison à vie en juin 2011, en grève de la faim depuis le 8 février, il se déplaçait en fauteuil roulant lors de sa comparution devant un tribunal, le 22 mai. Depuis des mois, la jeune militante se bat pour cette révolte dans le petit archipel, largement occultée par les médias occidentaux - et arabes. Un vent de contestation porté pour l'essentiel par les Bahreïnis de confession chiite - comme Zeinab -, majoritaires dans le royaume. Ses tweets consacrés au soulèvement et à la dénonciation de la répression, sous le surnom d'Angry Arabia, sont suivis par plus de 42 000 abonnés. Zeinab Al-Khawaja est loin d'être intouchable, malgré la notoriété dont jouit sa famille dans les cercles de militants des droits de l'homme. Plusieurs de ses proches, dont son mari, sont passés par la case prison depuis le début de l'insurrection. Mais la jeune femme sait que leur sort sera relayé à l'étranger, au titre de cette notoriété. Tout comme celui de Nabil Rajab, autre célèbre opposant bahreïni détenu depuis le 5 mai. Bien plus facilement que ne seront connus les destins de Jaafar, de Hassan, ou d'Ali, tué dans la répression. Jaafar, Hassan, Ali : les prénoms d'anonymes que Zeinab a rencontrés ou qu'elle soutient par son militantisme. Jaafar, "un homme innocent, visé en plein visage par des tirs de chevrotine, Jaafar qui a perdu ses deux yeux. Jaafar a été condamné au cours d'un procès qui a duré moins de quinze minutes, en l'absence d'un avocat. (...) Le juge a regardé l'homme aveugle et blessé, et il lui a crié : "Pas la peine de t'asseoir, tu es condamné à deux ans de prison !"", raconte-t-elle dans sa lettre. Hassan, lui, a été "arrêté plus de cinq fois" et "soumis au même cauchemar" de la torture à plusieurs reprises. Quant aux proches d'Ali qui ont "été les témoins de son meurtre", ils sont aujourd'hui derrière les barreaux. "Je ne suis pas seulement Zeinab, je suis Jaafar et Hassan (...). Ma cause est celle de centaines de prisonniers politiques innocents à Bahreïn. Ma libération, sans la leur, m'importe peu. (...) Oui, je rêve de ma fille (de 2 ans), quand je dors et quand je suis éveillée, mais je sais que quand je serai avec elle, à la maison, mon esprit ne sera pas en paix", poursuit la jeune femme. Qui l'entendra ? Les opposants, sans aucun doute. Les organisations des droits de l'homme, déjà intervenues par le passé, comme Amnesty International, pour demander sa relaxe. Mais pas les diplomaties occidentales, atteintes d'aphasie ou d'un accès de timidité face aux violations des droits humains (torture, procès inéquitables, arrestations arbitraires) dans le royaume. Pas, non plus, ces Bahreïnis loyalistes qui appuient le roi Hamad ben Issa Al-Khalifa et sa famille, et accusent les ...

Source: http://www.tayyar.org/Tayyar/News/WorldNews/en-US/bahrein-monde-article-zek-239.htm

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